
L'actu du rock indé en juillet 2003

Chronique de "The Ballad of Darren", de Blur
Blur n'en finit pas de ne plus exister. Après "Magic Whip", l'album du retour en 2015, 12 ans après le dernier "Think Tank" en 2003, voici l'album du retour du retour, 8 ans plus tard. Blur est toujours là, et c'est tant mieux, car les prestations solo de ses divers membres (y compris au sein d'un Gorillaz devenu routinier), bien que sympathiques, laissaient toujours un arrière-goût d'inachevé, de manque de perfection, de ce petit brin de folie qui a toujours existé dans Blur.
Car il faut le rappeler aux plus jeunes : Blur a commencé comme un groupe baggy, ce sous-genre du rock indé né à la fin des années 80 mêlant pop sixties, dance music, psychédélisme et une micro-dose de (post-)punk, avant d'être estampillés britpop, un fourre-tout destiné à évoquer quelques groupes capables d'émoustiller les minettes en mal d'idoles et surtout à rapporter plein de sous à l'industrie du disque, revenue d'entre les morts depuis la fin du grunge et de ses musiciens aux cheveux longs pas assez sexy. D'aucuns s'obstinent depuis à ne voir en Blur que l'aspect jolies mélodies et bluettes calibrées pour les charts, mais c'est une grossière erreur : Blur a toujours concilié la pop la plus kitsch qui soit avec les titres tordus, bizarres, bourrés d'expérimentations sonores, voire parsemés d'éclairs de violence. Et c'est cela leur force : réussir dans tous les cas à ne jamais avoir l'air ridicules ou inaccessibles.
Ceci étant, la vraie question est la suivante : ce nouvel album est-il à la hauteur de ce que l'on a connu, et bien sûr de ce que l'on attend ? Le groupe semble avoir bien compris le message : il ouvre l'album avec The Ballad, une ballade, donc, gentille et sirupeuse à souhait, comme pour nous dire : "on commence par ce que vous vouliez". Puis il enchaîne avec tout à fait autre chose, histoire de nous rappeler "ça, c'est nous aussi" : St Charles Park, c'est leur côté Dr Jekyll, avec ses guitares dissonantes et sales sur lesquelles ils arrivent malgré tout à nous coller des choeurs "comme si c'était une ballade". Ce sera cependant le seul morceau du lot à dénoter du reste. "The Ballad of Darren" lorgne beaucoup plus du côté ballades, qu'elles soient symphoniques (Russian Strings, The Heights) ou seventies (Avalon), acoustiques (The Everglades (For Leonard)) voire electro "à la Pet Shop Boys" (Goodbye Albert). Il y a bien sûr aussi un superbe morceau, le single sorti un peu plus tôt, (The Narcissist).
Au final, un résultat mi-figue mi-raisin : un bon album certes, mais sans réelle surprise ni culot. Les gars ont roulé leur bosse, et ils connaissent la recette, elle est efficace. Le talent est là, les idées aussi, mais on aurait sans doute aimé être un peu plus secoués avec ces dix morceaux étalés sur seulement 35 minutes...
(Chronique également publiée sur premo.fr)
L'actu du rock indé en juillet 1998

L'actu du rock indé en juillet 1993

L'actu indé du moment
Toutes les trois semaines environ, un podcast d'une heure sur les meilleurs titres / groupes / disques du moment.
À suivre sur la page du webzine premo.fr, avec vous depuis 1989 !- Lane (Love And Noise Experiment) : Sunday Night ("Where Things Were", 2023)
- Bdrmm : Be Careful ("I Don't Know", 2023)
- Ligne Rouge : Yeast ("Yeast", 2023)
- Sprints : Adore Adore Adore ("Adore Adore Adore", 2023)
- CIEL : So Scared ("So Scared", 2023)
- Cherry Glazerr : Soft Like a Flower ("Soft Like a Flower", 2023)
- Coach Party : All I Wanna Do Is Hate ("All I Wanna Do Is Hate", 2023)
- Yard Act : The Trench Coat Museum ("The Trench Coat Museum", 2023)
- cumgirl8 : cicciolina ("gothgirl1", 2023)
- Chicks on Speed : Uploading the Human ("Uploading the Human", 2023)
- Kimshies : Cortex Five Senses ("Blue Planet", 2023)
- DITZ : Riverstone ("Riverstone", 2023)
- Snooper : Fitness ("Super Snooper", 2023)
L'actu du rock indé en juillet 1988

L'actu du rock indé en juillet 1983

Chronique de "I Inside the Old Year Dying" de PJ Harvey
Dans la critique de Télérama, journal pas forcément très orienté rock indé, l'album de PJ Harvey est classé dans la catégorie "variétés". C'est dire si la musique de la jeune féministe enragée et teigneuse du début des années 90 a évolué. Mais ce n'est pas péjoratif pour autant : les gens mûrissent (enfin la plupart), et les artistes comme les autres. Leur musique, quand elle est sincère et débarrassée du souci de plaire, fait de même.
C'est bien ici le cas avec Polly Jean, 53 ans, qui, plus elle vieillit, plus elle enrobe sa musique de silence, de dépouillement et de mysticisme. Il ne reste guère de ses débuts que sa noirceur profonde, qu'elle prenne la forme d'un cri de rage ou de l'angoisse de la mort. On apprécie l'artiste donc, mais sa musique, c'est plus compliqué.
On aimerait l'adorer, la chérir, s'extasier sur chaque nouveauté, mais force est de constater qu'on a tort de vouloir vivre avec le passé et que PJ Harvey ne reviendra jamais à la musique de ses premiers albums, qu'il s'agisse de blues-punk violent et rêche ou de folk indé vénéneux et douloureux.
Les deux derniers disques, qui datent déjà pas mal, avaient laissé un sentiment mitigé, et on s'ennuyait gentiment quand on ne grimaçait pas sur les passages à la harpe. Certains criaient au génie, d'autres, moins aptes à s'éloigner du rock au sens large (votre serviteur s'y inclut - et ce n'est pas péjoratif non plus, chacun son truc) appréciaient poliment puis passaient à autre chose et oubliaient.
Ce nouvel album ne change pas la donne, si ce n'est qu'il s'avère finalement plus agréable à écouter que ses prédécesseurs, avec ses morceaux étonnament courts, décharnés et sans fioritures désagréables ou limite prétentieuses. Et un petit côté Radiohead intéressant, avec ses ambiances sonores très expérimentales. Il s'en dégage surtout, et c'est là sa vraie force, un désespoir existentiel sans limites. Existentiel, précisons-le, sans quoi l'on pourrait croire à une certaine forme de tranquillité zen, les plaintes marquées n'étant pas l'apanage de la dame, qui est bien au-dessus de tout ça.
Un disque pas si mal donc, et même plutôt réussi, à écouter au casque, dans la nuit, quand on réfléchit au sens de la vie. En journée, par contre, on préférera un bon petit groupe de rock basique, plein de vie et -encore pour un moment au moins- d'espoir.

L'actu du rock indé en juillet 1978

Chronique de "Where Things Were", de LANE
La fureur salvatrice, dès le début de l'album, ne suffira pas. Elle ne suffira pas à retirer la tristesse de se dire que cette fois-ci, l'aventure LANE est belle et bien terminée. Qu'il n'y aura plus d'albums, que le souvenir des Thugs qui, quoiqu'on en dise et même si ce n'est pas sympa pour Étienne et Cam venus de Daria, apparait toujours en filigrane au travers de ces guitares saturées bourrées d'émotion et du chant si particulier d'Éric, reconnaissable entre mille ; que ce souvenir, donc, va peu à peu s'éloigner et rejoindre les grands noms de l'histoire du rock. Car oui, c'est une des page les plus brillantes du rock français qui se clôt : LANE n'existe plus, les frangins Sourice sont passés à autre chose, les frangins Belin sont revenus à Daria, le fils Sourice quant à lui débute une carrière prometteuse avec les merveilleux Fragile, dont nous avons chroniqué récemment le premier EP. Alors que dire de ces sessions studios, derniers enregistrements non finalisés (novembre 2021) mais dûment mastérisés pour ne pas être abandonnés et jetés aux oubliettes ? Eh bien, que non seulement elles nous offrent des morceaux tous parfaits, des plus lents et envoûtants aux plus enragés en passant par ces bulles d'émotions écorchées vives et bouleversantes, typiques du groupe ("Sunday Night", "Painted White", "Elliott Bay"), mais qu'en plus elles montrent que LANE n'a jamais vraiment eu besoin de produire ses albums : les sonorités brutes du studio de répétition, certes un peu plus basiques, rugueuses, notamment au niveau de la batterie, captées dans l'instant, font ressortir à merveille l'urgence, la sensibilité et l'émotion de la musique. Salut les gars, bonne chance dans vos nouveaux projets et surtout : merci, on ne vous oubliera pas.